Bienvenue sur la page en français du Gameblog de Thiagi. Cette page vous est proposée par l'équipe de Mieux-Apprendre, créatrice et animatrice du site thiagi.fr et de son Thiagipedia. Cette page, ce mois-ci, est rédigée par Bruno Hourst. Les illustrations sont de Jilème.
Vous me croirez ou non : parfois, un jeu-cadre peut vous sauver la vie – ou presque – lorsque vous êtes dans une situation de formation imprévue et difficile, et que vous devez trouver une solution en quelques secondes. Cela a été le cas pour moi un jour de juillet, et le jeu qui m'a sauvé la mise s'appelle « A livre ouvert ».
Je me souviens... Un cabinet de formation avait pris ses quartiers d'été dans les montagnes au-dessus de Grenoble, et m'avait demandé de venir animer une demi-journée sur le thème de « l'entreprise apprenante ». Pour cela, j'avais envoyé au patron du cabinet, deux mois avant, un document de travail d'une quarantaine de pages inspiré du livre 10 steps for a Learning Organization de Peter Kline. Je lui avais également communiqué les travaux préparatoires à réaliser par les membres de son cabinet avant mon intervention.
La première matinée du séminaire était réservée aux affaires internes du cabinet, et je n'étais pas convié. Je devais commencer mon intervention après le déjeuner du premier jour. A la reprise de l'après-midi, je m'assieds donc à côté de mon ami Denis Plan, formateur dans ce cabinet, et je sens aussitôt que l'ambiance est particulièrement tendue. Discrètement, je lui demande ce qui se passe et il me dit : « Le boss a oublié de nous communiquer ton document et les travaux à réaliser, et il nous accuse maintenant de ne pas avoir fait le travail nécessaire ».
La situation était donc la suivante : j'avais tout programmé à partir des travaux qui devaient être réalisés en amont de cette réunion, et ce travail n'avait pas été fait. Lesparticipants auraient déjà dû avoir une bonne connaissance du document, et ils n'en connaissaient pas le premier mot. (J'entends les vieux routards de la formation se moquer gentiment de moi : croire que les participants ont fait le travail prévu, quelle erreur ! Oui oui, je sais, j'étais crédule à l'époque. Maintenant je me méfie et je prépare toujours un plan de secours).
Et donc, en l’occurrence, mon plan de secours a été de lancer le jeu « A livre ouvert ». Cela a pris une petite demi-heure, mais j'ai ensuite pu continuer sans difficultés ce que j'avais prévu. Au fil des activités, l'ambiance est redevenue plus sereine et même assez festive. Le soir, j'ai mis, mentalement, un cierge à Thiagi pour m'avoir tiré d'affaire...
Ce jeu-cadre fait partie de ce que nous appelons les jeux « Lisez-moi ».
Il y a longtemps, Thiagi appelait ce type de jeux-cadres des « Read.me games », clin d’œil aux débuts de l'informatique. Il les appelle maintenant des « Textra games », combinaison des mots text et extra.
Dans bon nombre de métiers ou à l’école, il est nécessaire de lire de nombreux documents, des livres, des manuels, des fiches techniques ou des consignes écrites. Mais souvent les personnes concernées rechignent à lire, et trouvent des échappatoires variées pour éviter ce qu’elles considèrent comme une corvée.
Pour tirer le meilleur parti des lectures, grandes ou petites, et pour augmenter la probabilité que chacun lise ce qu’il est souhaitable qu’il lise, les jeux « Lisez-moi » combinent des éléments de jeu et la pression – sympathique – des autres personnes soumises à la nécessité de lire la même chose.
Thiagi a inventé des dizaines de ces jeux, qui touchent soit à la familiarisation avec un texte, soit à la compréhension, soit encore à la mémorisation. Sur un document donné, on peut en utiliser plusieurs à la suite, permettant un approfondissement progressif de la connaissance du document.
C'est ce que j'avais fait un jour avec un groupe d'enseignants belges : nous avions utilisé un document de leur hiérarchie, d'une trentaine de pages, qui était affreusement ennuyeux. Lire en entier ne serait-ce que la première page relevait de l'exploit.
Lors du débriefing, une enseignante m'a dit « Bruno, je suis très frustrée ! ». Essayant d'être un bon formateur qui accepte les frustrations de ses stagiaires, je lui demande la raison de sa frustration. Elle me répond : « Finalement, ce document est passionnant et j'aurais aimé que l'on continue à le travailler ! ». Tout le monde a éclaté de rire : le pari était gagné...